Emmanuel Macron poursuit sa tournée en Europe de l'est sur le thème des travailleurs détachés. Après l'Autriche mercredi, le président français s'est rendu ce jeudi à Bucarest, en Roumanie, pour rencontrer le président Klaus Iohannis et échanger sur un éventuel durcissement des règles sur le travail détaché. Mais le président français, qui souhaite une «refondation en profondeur» de la directive, n'a pas réussi à obtenir d'accord avec son homologue roumain. Si Klaus Iohannis a estimé que la directive européenne sur le travail détaché devait en effet être améliorée, il n'a pas exprimé d'accord clair avec Emmanuel Macron sur la nécessité de le faire d'ici janvier et selon les termes du président français.
Emmanuel Macron s'est toutefois dit «persuadé» qu'un accord serait trouvé avant la fin de l'année, estimant que faute d'amendement, le dumping fiscal et social engendré par la directive mettrait en danger l'Union européenne. Si rien n'est fait, «ça éclatera», ce sera «un démantèlement de l'Union européenne», car «aucune opinion publique des pays fortement développés n'acceptera le système tel qu'il fonctionne», a estimé le chef de l'État français.
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Espérant certainement convaincre son homologue roumain, il a ajouté qu'il soutiendrait l'entrée de la Roumanie dans l'espace Schengen, une fois que les règles de cet espace auront été rénovées. «Vous êtes en droit de demander votre intégration dans Schengen. J'y suis totalement ouvert» a-t-il indiqué. Par ailleurs, le président français a accepté de séparer la question des transporteurs routiers qui circulent en Europe, sujet très sensible en Roumanie: «Nous aurons ensuite une autre négociation sur le transport routier», a-t-il assuré.
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La veille, le chef de l'État était en déplacement en Autriche, où il a rencontré le chancelier Christian Kern. Là-bas, Emmanuel Macron n'a pas hésité à durcir le ton d'emblée. Selon lui, la directive des travailleurs détachés est une «trahison de l'esprit européen dans ses fondamentaux». Il a ajouté que «le marché unique européen et la libre circulation des travailleurs n'ont pas pour but de favoriser les pays qui font la promotion du moindre droit social». Emmanuel Macron fait ainsi de la refonte du système actuel une mesure indispensable pour lutter contre les arguments populistes. «C'est ce qui dans nos pays nourrit le populisme et érode la confiance dans le projet européen», a-t-il déclaré.
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Lors d'une conférence de presse commune mercredi, la France et l'Autriche ont indiqué avoir un «parfait alignement» de vues sur le dossier. Après avoir rencontré, lors de ce déplacement en Autriche, ses homologues tchèques et slovaques - qui refusaient a priori de toucher à cette directive, Emmanuel Macron a déclaré: «Nous avons des différences de situation mais je crois en l'Europe des bonnes volontés», avant de mentionner un «compromis» qui devrait se conclure aux alentours du mois d'octobre. En quête du même objectif, Emmanuel Macron se rendra vendredi en Bulgarie. La première ministre polonaise Beata SzydloPologne, opposée à une refondation de la directive, a néanmoins averti ce jeudi que le point de vue de Varsovie ne changerait pas: «Nous ne changerons pas de position. Nous la défendrons jusqu'au bout parce que c'est une position favorable aux intérêts des travailleurs polonais», a-t-elle déclaré à la presse.
«À travail égal, rémunération égale»: ce que veut la France
Dans le détail, la France souhaite limiter le temps du détachement des travailleurs à un an, alors que le texte de la Commission actuellement étudié propose une limite de 24 mois, au lieu de 36 mois aujourd'hui. Le président souhaite également renforcer les contrôles, afin d'endiguer la multiplication des abus (travail dissimulé, emploi de travailleurs sans papiers, non-respect des normes d'hygiène et de sécurité...). Il n'a toutefois pas détaillé les mesures qu‘il souhaitait proposer en ce sens. Par ailleurs, Emmanuel Macron a indiqué vouloir développer davantage la coopération bilatérale. Enfin, le chef de l'État s'est montré intransigeant sur la question des fraudes, en visant particulièrement les «sociétés boîtes aux lettres», fondées dans le seul but de ne pas respecter les obligations conventionelles et légales. «À travail égal, rémunération égale», a-t-il également asséné mercredi en Autriche, alors que les employeurs profitent souvent du statut de travailleur détaché pour ne pas respecter la réglementation en vigueur dans le pays d'accueil (nombre d'heures déclarées supérieures au nombre d'heures payées, logement à bas coût, frais de détachement déduits indûment du salaire...).